Georges, es-tu là ?
Vendredi soir, 22h.
Je suis dans la salle d’attente numéro 2 avec Mademoiselle haute comme 1 pomme, à la deuxième étape du parcours initiatique des urgences pédiatriques.
Je n’ai pas encore vu Georges, je suis un peu déçue…
Les constantes ont été prises par une infirmière, on attend d’être reçues par le médecin (mon espoir de voir Georges n’est donc pas encore mort).
Un écran diffuse des épisodes de Peppa Pig que peu d’enfants regardent. La plupart sont endormis sur les genoux de leurs parents. Pour une salle pleine d’enfants, c’est a-nor-ma-le-ment calme !
Les minutes passent sans qu’on les voie. Je regarde de temps en temps l’heure sur mon téléphone car ici, pas d’horloge. Je constate que 45 minutes se sont écoulées avant qu’un premier patient soit appelé. Mon esprit nul en maths se met aussitôt en branle. Nous sommes 7 à attendre. Je n’ose me risquer au calcul que ferait 7x45, je ne veux pas connaître le résultat. Une maman interpelle le médecin en vociférant qu’elle attend depuis 3h.
Sur un écran, on peut lire que l’ordre de passage ne se fait pas sur base de l’ordre d’arrivée, mais sur d’autres critères comme la gravité des symptômes, l’âge de l’enfant, etc. Comme ça, on est prévenus.
Nous, les parents, les accompagnants, les malades d’inquiétude seulement, on se regarde du coin de l’œil en se disant que le plus mal en point, c’est le nôtre, qu’on sera les prochains à être reçus. Mon urgence est forcément plus urgente que celle des autres, par principe.
On s’autodiagnostique les uns les autres, avec des diagnostics de comptoir (gastro, otite, indigestion). Sous la lumière des néons, tout le monde a l’air abattu, fatigué, fiévreux, sauf la mienne, qui a tout à coup récupéré une forme d’enfer ! C’est le moment qu’elle a choisi pour babiller haut et fort et faire du charme à nos voisins de gauche. Elle fait tomber son biberon d’eau, la jeune fille d’à côté le ramasse et me le tend gentiment. Je la remercie, juste pour être polie, car je ne peux m’empêcher de m’imaginer les milliers de microbes qui gambadent maintenant sur la surface du seul objet réconfortant que j’ai pensé à emporter. Mademoiselle se donne en spectacle, elle fait la démonstration de ses plus beaux sourires et de ses plus audibles « A Ga ga ! » Je me dis que si elle continue comme ça, on ne sortira pas avant l’aube.
« Mais je vous jure, docteur, il y a une heure, à la maison, elle tremblait de tout son long en hurlant avec les lèvres bleues et la peau marbrée ! »
Je ne suis pas crédible, ils vont penser que je ne suis là que pour voir Georges.
23h.
Une femme arrive, accompagnée par deux jumeaux d’environ un an dans une poussette et dans les bras, un bébé d’un mois ou deux. Je suis impressionnée par son courage. À coup sûr, celle-là va nous passer devant, parce que pour sortir le tank et trois gamins en pleine nuit, ça doit être grave !
Les heures passent, les épisodes de Peppa défilent.
Après une vingtaine de minutes, la femme aux trois gamins se lève et s’en va ! Comme ça, sans préavis ni signe d’impatience. Je ne comprends pas. Pourquoi déployer tant d’efforts pour repartir après vingt minutes ? Elle aussi venait pour voir Georges ? Je voudrais lui dire que Georges ne fait pas les admissions, il se laisse désirer. Un peu de patience, il est peut-être derrière cette porte ! Je ne cherche pas à comprendre. Je me contente du fait qu’on garde notre place modérément prioritaire dans la file.
1h du matin.
Ce qu’on attendait depuis 3h est arrivé !
À suivre lundi prochain… (Oui, c’est dégueulasse. Comme quoi, je peux aussi être une blogueuse indigne si je veux !)
