Georges, es-tu là ? Partie 2
Ce post est la suite de celui de la semaine passée. Si vous ne l'avez pas encore lu, c'est par ici :
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1h du matin, donc.
Ce qu’on attendait depuis 3h est arrivé !
Non, pas Georges…
On va être reçues et à la base, c’est ça qu’on attendait !
Mademoiselle haute comme 1 pomme est appelée par une petite voix discrète (la voix de celui qui ne veut pas se faire houspiller)
La femme qui était là 3 heures avant nous attend toujours. Je passe devant elle en regardant mes pieds. Ce n’est pas moi qui décide, mais je suis confuse. Elle n’interpelle pas le médecin cette fois.
2h du matin.
On a vu le docteur (je n’ai pas retenu son nom, mais ce n’était pas le docteur Ross).
Je suis dans la 3ème salle d’attente (c’est la dernière, je le sais, car elle donne sur la porte de sortie. Sur la porte de sortie a été scotché un papier sur lequel des gens ont écrit le mot « sortie » en différentes langues. Je compte sur le papier pas moins de 19 langues. 19 mots pour traduire un seul sentiment : le soulagement de franchir enfin cette porte).
Mademoiselle haute comme 1 pomme s’est endormie sur mon épaule. On attend des résultats d’examens. Il y a des gens dans des box, sûrement des cas plus graves qui nécessitent un peu d’intimité. J’entends une machine qui fait un do répété très aigu. Pulsation : environ 80 (désolée, déformation professionnelle). Je me chante intérieurement quelques chansons sur ce tempo, sans grande conviction, car la musique de Peppa ne me quitte pas. J’entends un bébé qui pleure. À ce stade, il en faudrait plus pour réveiller la mienne.
3h du matin.
Un gamin de 2 ans regarde des vidéos sur le téléphone de son père depuis longtemps. Il n’a pas l’air fatigué, mais c’est juste un air. Son père arrête le téléphone, le garçon ne bronche pas. Ils essayent quelques positions inconfortables pour se coucher sur les sièges métalliques. Le papa finit par mettre sa doudoune par terre pour en faire un sac de couchage pour son fils. On se regarde avec un mélange de compassion, de fatigue et de rien. Juste un regard comme ça. À ce stade, on ne pense plus.
Parfois, le médecin passe en courant, entre dans un box de consultation. Je me dis que c’est bon signe qu’on soit dans la salle d’attente.
Mes paupières sont lourdes. J’ai dû m’endormir quelques secondes, bercée par le ronflement d’une petite fille dans les bras de son père. Je me réveille en sursaut, je ne peux pas m’assoupir, je suis sur une chaise avec mon bébé sur l’épaule.
3h30. Le médecin nous appelle et me propose de m’aider à prendre mon manteau et mon sac. Son calme et sa bienveillance me rassurent.
4h. Nous sortons.
En souvenir de cette soirée irréelle, dont je me rappelle comme on se rappellerait d’un rêve, quelques mots s’imposaient pour ceux qui sont là toutes les nuits, pour nous rassurer, nous soigner et qui, en retour, font souvent face aux reproches, à l’agacement, à l’impatience.
Je ne les applaudirai pas, je ne l’ai jamais fait, je ne vais pas commencer.
Je leur ai fait le cadeau de ma patience (et je peux vous dire que c’est énorme) et je leur fais celui de ma reconnaissance éteeeeernelle.
Par contre, au risque d’enfoncer le clou,
Je n’ai eu ni clou ni Georges…
