La sentinelle
On a tous un peu peur de nos enfants, peur du conflit parfois, mais surtout, surtout, peur de les réveiller !
La sonnette est devenue un objet redouté, les escaliers qui grincent sont notre pire cauchemar. Le téléphone qui sonne nous fait sursauter, les klaxons nous angoissent, la voisine qui marche en talons nous donne des envies de meurtre.
On se gave de vitamines, pour ne pas tomber malade, ne pas tousser, ne pas éternuer. On vit sur la pointe des pieds, en chaussons, discrètement. On chuchote. On fait un souper froid pour ne faire fonctionner ni la hotte ni le robot mixeur.
Quand Mademoiselle haute comme 1 pomme est née, un soir, on a poussé le vice jusqu’à regarder un film français avec les sous-titres, parce qu’on ne voulait pas monter le volume de la télévision…
Ils dorment, enfin. On pourrait rester des heures à les regarder, ils sont si beaux, si paisibles qu’on a envie de profiter de ce moment. Quel calme, quel silence, on entend presque le ronronnement du réfrigérateur…
Quand j’ai repris le travail après mon congé maternité, j’étais épuisée. Mademoiselle haute comme 1 pomme dormait mal, je travaillais le soir, c’était dur. Un jour, en allant travailler, j’ai vu un SDF dormir dans la rue. L’espace d’un instant, je l’ai envié. J’aurais voulu être à sa place, me poser n’importe où sous une couverture et fermer les yeux.
C’était tellement absurde, je m’en suis tellement voulu d’avoir osé envier sa situation que j’y repense encore tous les jours.
Quand ils sont couchés, tu penses que c’est fini, qu’on va pouvoir avoir une discussion d’adultes, regarder tranquillement un épisode ou peut-être même les infos, s’il n’est pas trop tard ! Tu vas d’abord faire pipi parce que ça fait trois heures que tu en as envie, mais tu n’as pas pris le temps d’y aller, et là, dans le couloir, t’attend la sentinelle, dans la pénombre, dans l’entrebâillement de la porte, qui te fait sursauter. La sentinelle a une petite voix suppliante « Maman, tu restes encore un peu avec moi ? »
Pour vivre heureux, vivons cachés, mangeons froid et musclons notre périnée !
Merci à Merveille, qui m’a confié une partie de son histoire. Ce post lui est dédié, à elle et sa petite sentinelle.
